PRIX DU LAIT La baisse est inéluctable, mais jusqu'où ira-t-elle ?
Une offre de lait réduite en Europe au premier trimestre et une reprise de la demande mondiale modéreraient la baisse. Aujourd'hui, rien n'est certain.
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Quel sera le prix du lait dans les prochains mois ? Verrons-nous au printemps 2015 la réplique de 2009 ? La question est dans tous les esprits. Le premier symptôme a été cette chute brutale des ingrédients laitiers dès l'annonce de l'embargo russe. En septembre, le couple beurre-poudre valorisait le lait à seulement 241 €/1 000 l. Si les cotations se sont stabilisées en octobre, les plus pessimistes annoncent déjà une seconde chute quand la production européenne reprendra sa croissance saisonnière.
Et du lait, il y en a déjà beaucoup dans l'Union européenne. Pour 2014, les vingt-huit États membres devraient produire 5,3 Mt supplémentaires. C'est énorme et la France a largement pris sa part dans ce bond. Pour l'heure, on ne voit pas de ralentissement sensible. Le prix du lait reste motivant, les fourrages sont de qualité et les coûts alimentaires en baisse. L'absence du débouché russe qui absorbait 15 % des exportations de l'UE impose aujourd'hui de se retourner vers les autres marchés mondiaux. Et là aussi, on observe un flottement. La production des grands bassins exportateurs a été dynamique au premier semestre et les cours mondiaux ont chuté. En face, la demande asiatique, moteur du commerce mondial, a faibli et les derniers signaux sont encore baissiers avec des stocks de poudre grasse significatifs en Chine.
Offre abondante, demande en berne, le cocktail est explosif. Fonterra (Nouvelle-Zélande) a déjà annoncé un prix du lait en baisse de 37 % pour cette campagne. Quid en Europe et en France ? Les plus pessimistes imaginent des cotations beurre-poudre au niveau de l'intervention dès le mois de mars (1 700 €/t pour la poudre et 2 200 €/t pour le beurre), soit une valorisation du lait autour de 200 €/1 000 l. D'où la demande de la FNPL de remonter les seuils d'accès à l'intervention. Le député Michel Dantin en doute (voir p. 20). Après s'être pris les pieds dans le tapis sur le stockage privé des fromages (voir p. 23), la Commission européenne est aujourd'hui atone et nie qu'une crise laitière grave puisse s'installer.
À Bruxelles, on prédit que la baisse du prix du lait, conjuguée à la menace des pénalités de dépassement, fera lever le pied aux producteurs d'Europe du Nord, amenant à désengorger un peu le marché européen.
Pile à la fin des quotas
À voir, car les grands troupeaux ont tendance à augmenter les volumes en cas de prix bas pour diluer leurs charges de structure. Quelle sera alors la réaction des autorités européennes si, conjugué à une saisonnalité basse, le prix du lait d'avril 2015 rejoignait celui de 2009 à 226 €/1 000 l, pile à la fin des quotas ?
L'autre interrogation sera l'attitude de la grande distribution que Thierry Roquefeuil appelle à la solidarité et que le gouvernement menace de sanctions si elle a des pratiques commerciales abusives. Rappelons qu'environ 60 % du lait français passe ce circuit de commercialisation. Avec la guerre des prix que se livrent les enseignes et les récentes alliances entre les centrales d'achats, qui peut douter que les GMS vont exiger des baisses de tarifs et saisir les offres alléchantes sur les produits laitiers allemands ?
DOMINIQUE GRÉMY
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